24 Février 2012
Première histoire:
Le fou
Mais comment en suis-je arrivé là ! Bâillonné, ligoté, enfermé, moi... moi qui ne rêvais que de liberté !
Je crois que tout commence le jour où un besoin nouveau me délivre de l’engrenage infernal de la société et me pousse sur le chemin de la vie buissonnière.
Fuir sans bruit, sans trace, comme la fumée d'une cigarette.
Les dés sont jetés. Je vais m’éloigner des tricheurs, des menteurs, des profiteurs, des voleurs de rêves, des voleurs de vies, des innommables qui fondent sur le malheur des autres leur empire cousu d’or.
Un ensemble de mesures est nécessaire pour édifier, en quelque sorte, une passerelle entre ma première vie et cet avenir que j'imagine céleste.
La vente de mon appartement ouvre la voie à mon projet. La machine est sur les rails. Rien ne peut l'arrêter. Billet en main, je file vers ma destinée.
Une somme coquette remplace mon T3 haut perché dans un quartier de Marseille.
5
Rideau ! plus de vue,ni sur la mer, ni sur le monde. Rideau sur la vue que je ne veux plus voir.
Au loin l’agitation quotidienne. Sous cloche les bruits inutiles. Paix aux oreilles. Mon agenda affiche silence.
Un brocanteur se charge d’emporter meubles et tout le fourbi. Ma voiture trouve en mon voisin un pilote meilleur que moi. Et mon vélo, enfourché par un chenapan, quitte soudainement le mur contre lequel je l’avais laissé.
Mon patron reçoit une lettre de démission. Aux oubliettes le pointage, les heures supplémentaires, les réunions, les semaines sans fin, les lundis mous, les sourires à machin, la pause de 10h ...
Mon histoire s’effiloche et se disperse aux quatre vents. Le feu, en dévorant tous mes papiers d’identité, réduit en cendres mes traces administratives. Adieu la paperasse structure de civilisation moderne !
Mon banquier s'insurge, manie son stylo tel un fouet. Coriace comme un nerf de bœuf, le dompteur de billets ! Il veut faire prospérer mon magot, me conseille de le placer, de le déplacer ... Des bébés-magots allaient naître et grossir...
C’est avec une immense déception et à grand regret qu’il le place dans ma poche.
Mon plan se déroule comme prévu. Mon passé reste en gare. Je m'éloigne. J'ai fait le vide. Je ne suis plus rien.
Je marche, et marche encore...
Le vent me pousse vers mon Eldorado.
6
Mais alors, comment en suis-je arrivé là ?… Bâillonné, ligoté, saucissonné, rôtitonné, moi … moi qui ne rêvais que de liberté.
En partance vers l’inconnu, les plus tendres souvenirs, ceux qui restent accrochés au cœur, défilent au rythme de mes pas.
L'image bienveillante de mes pauvres parents, que je sais au paradis, se dessine dans mon esprit, me donne du courage. Un père et une mère, c'est un peu comme deux jambes, vaut mieux les avoir pour bien avancer ! Et ma fuite s'en trouve plus sereine.
Puis mes femmes, ou plutôt mes trois femmes ... Elles aussi se mêlent à mes souvenirs. Elles sont entrées dans ma vie, je ne sais trop comment, puis ont fait comme dans la chanson « trois petits tours et puis s’en vont. »
La première, un véritable petit bijou, que dis-je: une perle ! Mais une cleptomane. Impossible de l’empêcher de voler. Rien à faire, truquer était dans ses gènes, et la gêne n'était pas son truc.Le doigt agile escamotait tout ce qui se présentait.Larcin en poche, elle filait mignonne comme si de rien n’était. Lui donnait-on le bon Dieu sans confession, elle emportait la croix.
Le comble ! Un voyou me l’a volée.
Une belle équipe qu’ils doivent faire tous les deux ! Je peux en témoigner, car un malheur n’arrivant jamais seul, ma carte bleue suivit les deux escrocs.
Le monde ne s'écroula pas pour autant, juste un peu d’éboulis dans ma tête, que le temps, en bon médecin, finit par soulager.
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La deuxième, une couturière. Jolie comme une prune, une petite reine, une reine-claude. Mais les beaux fruits ont cette particularité de plaire à tout le monde, et la prune changea de panier. Son départ me laissa un noyau difficile à digérer. Heureusement, la terre est un immense verger. Les fruits ne sont pas tous défendus et à nouveau je croquai la pomme.
La troisième, une infirmière. Le blanc lui allait si bien qu’à force de le porter, elle finit par être dégoûtée. Elle changea de couleur et partit avec un Noir.
Et voilà... de filles en aiguilles, je me retrouveà marcher seul sur cette route, en jetant dans le fossé l’eau trouble de mes pensées.
Mon ombre s’étire puis se fond dans la nuit
Mon ombre n’est plus, je suis la nuit
On ne peut plus me voir
Je disparais dans le noir
Mais alors, comment en suis-je arrivé là ? Bâillonné, ligoté, momifié, bibendumisé, moi … moi qui ne rêvais que de liberté !
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